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La chapelle de l'hôpital Jules-Courmont (médecin 1865-1917)

(anciennement dite du Grand-Perron, ou du Vieux Perron)

 
La chapelle de l'hôpital Jules-Courmont - © Photo Martine Dupalais
Rappelons rapidement ce qu'était le domaine dit du Grand-Perron. Antoine de Gondi de son vrai nom Guidobaldo Gondi (1486-1560), puissant banquier florentin installé à Lyon depuis 1505, épouse Marie-Catherine de Pierrevive, dite Marion de Pierrevive, fille d'une importante famille commerçante originaire du Piémont, dont le père fut receveur des impôts à Lyon. Dans la lignée des femmes humanistes de la Renaissance, elle tenait un salon littéraire et deviendra dame de compagnie de Catherine de Médicis. Antoine de Gondi achète la propriété du Perron, sur la commune d'Oullins (aujourdh'hui Pierre-Bénite), à Claude Besson, neveu et héritier du chanoine de Saint Paul, Antoine Besson. Ce serait à la demande de Marie-Catherine, férue d'architecture, que sera édifié un manoir dénommé le Grand-Perron entre 1517 et 1545.
En 1748, fut annexée à l'aile sud du Grand-Perron une chapelle. La propriété appartenait alors à la famille de Lambert de Pontsainpierre, échevin. Celle-ci vendit à son tour le domaine en 1761 aux recteurs de l'hôpital de la Charité de Lyon. Ce sont ensuite les Hospices civils de Lyon - créés en 1802 par la réunion des hôpitaux de la Charité et de l'Hôtel Dieu – qui en hériteront. C'est donc sur cette propriété qu'ont été érigés les premiers pavillons de l'hôpital, baptisé hôpital Jules Courmont en 1946, réuni ensuite avec celui de Sainte Eugénie et qui forment aujourd'hui le vaste site du Centre Hospitalier Lyon Sud.
L'ancienne chapelle et le Grand Perron - Tony Vibert
Curieusement la chapelle n'apparaît pas sur le plan géométral de la ville de Lyon de 1806 mais le registre des délibérations des HCL de 1854 mentionne : « dans le bâtiment de cet hospice situé à gauche de l'entrée principale, et prenant ses jours au midi sur la cour, se trouve la chapelle où ont lieu les offices religieux ». Il est également mentionné que « sur cette même cour, existe un emplacement couvert, espèce de hangar étroit et peu utile, c'est là qu'il a fallu, faute de clocher, suspendre à une poutre la cloche due à la piété généreuse d'un bienfaiteur ». En 1855, une nouvelle façade sera aménagée surmontée d'un clocheton digne d'accueillir « plus convenablement la cloche de la chapelle ».
Une gravure de Tony Vibert (1832-1889), graveur lyonnais, nous restitue le Grand-Perron et sa chapelle dans les années 1870 (cf. reproduction ci-dessous). La décision de la démolir est prise par les HCL en 1900, le culte pouvant continuer dans un petit oratoire aménagé dans un des pavillons de l'hôpital, le pavillon Raclet, jusqu'à la construction d'une nouvelle chapelle.
Cette dernière verra le jour grâce à la libéralité de Madame Marie-Claire Sophie Rambaud, née Chambeyron qui, par testament en date du 2 avril 1902, institue les Hospices Civils de Lyon ses légataires universels et stipule : « qu'une somme de 200 000 francs serait affectée à la construction d'une nouvelle chapelle ». Elle fit ce geste en souvenir de son époux. Madame Rambaud était veuve du Docteur Michel-Auguste Rambaud, professeur de médecine, décédé en 1887. Une rue de Lyon dan le 6ème arrondissement porte son nom. Nous apprenons également qu'une certaine « Marie Serve fut bienfaitrice pour les autels » pour une somme de 1500 francs en ayant fait également les HCL ses légataires universels par testament du 26 novembre 1901.
Façade de la chapelle - © Photo Martine Dupalais
Elles décéderont toutes les deux en 1902 et ne verront donc pas la chapelle achevée. Une plaque de marbre à l'intérieur de la chapelle rappelle ces legs.
Dès la décision de l'érection d'une nouvelle chapelle et avant la démolition de l'ancien édifice, une autorisation d'existence légale exigée par l'article 44 de la loi du 18 Germinal An X et par décret du 22 décembre 1812, fut demandée dès 1894 et validée par décret du 29 juin 1903. Les plans et devis furent approuvés par délibération des HCL du 4 décembre 1907, document qui acceptait par là même occasion les clauses des deux testaments. Les travaux furent lancés par voie d'adjudication publique. Les registres de délibérations des HCL de 1911 et 1912 précisent qu'une dépense supplémentaire évaluée de 12 807, 70 francs est allouée « pour les sculptures et colonnes du porche », et que le gros œuvre donna lieu à des difficultés pour l'architecte « pour la substitution des matériaux et l'édification des échafaudages ». A noter les noms du maître d'œuvre ou de l'architecte ne sont jamais mentionnés dans les registres. Les travaux ont sans doute été menés par les équipes techniques et l'architecte en chef des HCL.
Vue aérienne de la chapelle - © GoogleMaps
La chapelle est en forme de croix latine avec une nef courte, un large transept, un chœur semi circulaire, assez profond, surmonté d'une coupole octogonale sur trompes. De style néo byzantin, on retrouve dans cette chapelle l'influence de Pierre Bossan, architecte de la basilique de Fourvière avec notamment ses mosaïques au sol, ses peintures murales et chapiteaux sculptés. Le programme iconographique des vitraux rappelle l'engouement pour l'hagiographie qui se développe au XIXème avec derrière le maître autel le thème du Sacré Cœur dont le culte prit son essor en France après 1720 lorsque le clergé l'établit dans tous les diocèses. Sont aussi représentés des saints thaumaturges tels Saint Roch, Saint Vincent-Ferrier ; Saint Vincent de Paul qui nous renvoie à l'hôpital de la Charité, et des saints très populaires comme Sainte Jeanne d'Arc et le curé d'Ars, très vénéré dans la région. Le transept est orné de quelques saintes martyres.
Pieta - © Photo Martine Dupalais
Au-dessus de la tribune, l'Hôtel Dieu de Lyon est rappelé à travers le thème de la Pietà. Aucun vitrail ne semble signé et aucun nom de maître-verrier n'apparaît dans les documents d'archives. Seule à la base du vitrail de St Vincent de Paul une inscription mentionne « don de M. Holstein administrateur des HCL 1908 ». Les vitraux de la nef sont à motif géométrique.
L'Adoration des Mages - © Photo Chantal Rousset-Beaumesnil
La chapelle était également ornée d'un tableau qui malheureusement fit l'objet d'un vol en 1998. Il s'agissait d'une Adoration des Mages. Gilles Chomer, Professeur d'Histoire de l'Art à Lyon 2, avait considéré qu'il pourrait s'agir d'une œuvre du XVIIème siècle, peut-être de l'école flamande, confirmation faite par la maison Christie's sollicitée après le vol mais seulement d'après photo. Aucun document d'archives ne nous permet de retracer histoire de ce tableau. Qui était le commanditaire ? Se trouvait-il dans l'ancienne chapelle, sauvegardé à la Révolution et transféré ensuite dans la nouvelle ? Fait-il partie de ses œuvres saisies et redistribuées pour orner églises et chapelles après leur remise au culte ? Le thème iconographique est tiré de l'Evangile de Matthieu (Mt. 2, 1-12) et raconte comment les Mages d'Orient sont avertis par une étoile de la Naissance d'un roi de Judée. L'Evangéliste ne précise pas le nombre de mages, ni s'il s'agissait de rois. Ce sont les Evangiles Apocryphes qui ont enjolivé le récit de Matthieu. C'est Origène, père de l'Eglise (185-224), qui fixe leur nombre à trois. Quant à leur origine royale, elle apparaît chez Tertullien au IIIe siècle. Les artistes sont toujours restés fidèles à une tradition établie à l'époque médiévale pour représenter cette scène.
L'Adoration des Mages (détail) - © Photo Chantal Rousset-Beaumesnil
La composition du tableau de la chapelle est telle que l'on pouvait la voir en effet au XIIIème siècle avec notamment le premier mage agenouillé, les deux autres derrière lui debout fixant l'étoile qui les avait guidés. Ils portent des couronnes mais ne semblent pas symboliser les continents. La présence de riches colonnes à l'arrière-plan renvoie à la pensée de la Contre-Réforme qui voulait que le lieu de naissance du Christ ne soit pas rustre mais anoblit comme l'explique Emile Mâle (historien d'Art - 1862/1954). Ce tableau n'a jamais été retrouvé à ce jour. Il nous reste une pâle reproduction de cette œuvre.
La chapelle de l'hôpital Jules-Courmont fut terminée en 1911, inaugurée et consacrée le jeudi de l'Ascension de 1912. Elle reste un des derniers témoignages des bienfaiteurs des hôpitaux lyonnais et du devoir religieux qui les guidait. Quant au château Renaissance de Marion Pierrevive « la dame du Perron », malgré son classement MH en 1979, il va subir les outrages du temps faute d'intérêt pour ce patrimoine architectural. Vendu à des investisseurs il a fait l'objet d'un programme immobilier récemment achevé.
Chantal Rousset-Beaumesnil
mars 2021
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